Par Claire Vernerey, coach professionnelle et formatrice certifiée – www.c-coaching.net
Un manager ou un coach, on a une idée de ce qu’ils font, on envisage des points communs… Mais pourquoi passer de l’un à l’autre ? Quelle différence cela fait-il et quels en sont bénéfices ?
Lors d’une soirée, quand j’ai dit que j’animais une formation intitulée « Passer de la posture de manager à celle de coach », quelqu’un a spontanément réagi en disant « mais c’est la même chose, tout manager est coach, non ? ». Eh bien pas tout à fait. C’est même sur cette différence que s’appuient des structures du milieu médico-social pour développer des équipes autonomes, à l’instar du modèle Buurtzorg, fondé aux Pays-Bas par Jos de Blok en 2007.
Alors, qu’est-ce qui change quand on passe de manager à coach dans ce type de structure ?
Pas de relation hiérarchique….
Le manager est celui qui « organise, gère, dirige une affaire, un service etc… » (dixit le Larousse). C’est un supérieur (no comment !) hiérarchique à qui l’on rend des comptes et qui veille à ce que la stratégie, voire les méthodes de l’entreprise soient mises en œuvre. L’autonomie qu’il laisse à son équipe est très relative et contrôlée car il est responsable auprès de ses propres supérieurs des résultats chiffrés obtenus.
Pour qu’une équipe soit vraiment autonome, même à l’intérieur d’un cadre, elle doit se sentir responsable d’elle-même. Ce sont alors les collègues et les bénéficiaires (dans le milieu médico-social) qui sont des sortes d’indicateurs de résultats directs. Le manager n’a plus lieu d’être. Chaque membre d’équipe endosse un nouveau rôle, auparavant tenu par le manager (contact avec les familles, planning, animation de réunions, réseau…). Cependant, pour qu’autonomie ne signifie pas « livré à soi-même », les membres de l’équipe, en cas de difficulté, vont pouvoir se tourner… vers un coach ! Dégagé des liens hiérarchiques, le coach (qui n’est donc supérieur à personne… mais j’avais dit « no comment ») est neutre et n’oriente pas. Il est là pour accompagner à dépasser les difficultés ou tensions, à mettre en place de nouvelles habitudes.
…ni de conseils
La philosophie sur laquelle s’appuient ces structures médico-sociales qui font le choix des équipes autonomes est de reconnaître que les intervenants sont les mieux placés pour savoir ce dont a besoin un bénéficiaire et qu’ils sont experts de leur profession. C’est très coach, ça : le « coaché » est expert de sa vie, on ne peut pas mieux savoir que lui, donc on ne peut pas le conseiller. On peut malgré tout l’accompagner à chercher ses solutions, à voir plus large, à regarder différemment…
Exit, donc, le manager qui donne des réponses, place au coach qui les fait émerger chez son interlocuteur. C’est souvent le principal challenge d’une personne qui passe en posture de coach : réussir à ne pas donner d’avis, de conseil. J’ai entendu « mais je ne sers plus à rien » en début de transformation. Lâcher le statut de « sachant » n’est pas si simple, surtout quand on a acquis soi-même une expertise dans le domaine. Et progressivement, ça devient « je n’en reviens pas, ça marche et on me remercie ! »
Mais plutôt de l’écoute et du questionnement…
Une personne qui écoute -mais qui écoute vraiment- ce n’est pas si courant et c’est assez puissant. Un manager a un temps d’écoute limité, sous la pression de tout ce qu’il a à faire d’autre. Un coach s’y dédie totalement. Il écoute ce qui est dit et pas dit, il écoute comment la personne vit ce qu’elle vit et comment elle fonctionne ; il écoute ses croyances, ses besoins, ses valeurs ; il écoute ce qui se passe dans la relation ; il écoute ce que ça lui fait vivre. Et ça, ça s’apprend !
Au service de l’écoute, le coach a dans sa besace son art du questionnement et de la reformulation : creuser et vérifier ce qu’il comprend pour que ce soit plus clair… pour son interlocuteur. Un manager a besoin de bien comprendre la situation pour apporter des solutions là où le coach fonctionne comme un miroir pour que le membre de l’équipe y voie clair et puisse poser une action en face de cet éclairage. Satisfaction d’avoir été profondément écouté ET satisfaction d’avoir trouvé comment résoudre la difficulté. Il s’agit d’apprentissage, qui participe à un gain de confiance en ses capacités et plus globalement en soi. C’est un développement profond de la personne qui est recherché pour qu’elle sache aller puiser dans ses ressources.
…accompagné de bienveillance et d’empathie
Pour être disponible à l’autre, il faut être totalement ouvert, sans jugement, sinon la confiance n’est pas suffisante pour qu’une personne ose se livrer, or c’est justement le fait de pouvoir tout dire qui permet d’aller plus loin. Un manager peut (doit ?) être bienveillant, évidemment, il doit cependant évaluer les membres de son équipe, il a un avis sur leur efficacité, leur implication…
Passer en posture de coach suppose de développer sa bienveillance (inclinaison à la compréhension et l’indulgence) et son empathie (faculté à se mettre à la place d’autrui et percevoir ce qu’il ressent). C’est ce qui permet de se dégager de soi et de comprendre l’autre avec son cadre de référence, son univers, son fonctionnement et ses difficultés. Le coach va encourager son interlocuteur (ou l’équipe au complet) à exprimer ses émotions derrière lesquelles il y a des besoins ; il va l’accompagner à distinguer les faits des ressentis et des opinions, à prendre conscience de ce qu’il met en place dans la relation pour mieux voir à quel moment c’est productif ou non et comment il peut faire autrement ; il va être et encourager à être assertif et à donner du feedback. La bienveillance et l’empathie, si elles sont développées, donnent des autorisations aux membres de l’équipe pour accepter de regarder vraiment son propre fonctionnement, sans en être gêné, et voir s’il est un frein ou un moteur.
Pour conclure, il y a évidemment des similitudes entre manager et coach d’équipe autonome. Comme dans son ancien rôle de manager, le coach vise à développer le potentiel des membres de l’équipe. Il est cependant un accompagnant et non un leader : il est en posture basse ou neutre la plupart du temps, n’étant expert et responsable que de son processus. C’est justement une des peurs des personnes qui se forment à ce passage d’un rôle à l’autre : perdre leur côté « sachant », qui gère et résout les problèmes et qui leur donne un certain statut. Certaines personnes n’y sont pas prêtes.
Celles qui le sont trouvent en général beaucoup de richesse à découvrir ce nouveau type de relation qui leur ouvre, à elles-aussi, de plus vastes horizons dans leur vie professionnelle comme dans leur vie privée.
Alors, prêts à passer le cap ?